Min Li Marti

Conseillère nationale

Créé le:13.06.2024

13.06.2024 - 24.3663
Étape:Propositions nationales
État du conseil:Liquidé

Les processus de décision automatisés basés sur des processus algorithmiques ou des modèles d’analyse prédictive rassemblés sous le terme « intelligence artificielle » (IA), attirent de plus en plus l’attention. Il est toutefois nécessaire de développer davantage la recherche fondamentale afin de mieux évaluer les champs d’application de l’IA et d’en minimiser les risques.

Les applications de l’IA pourraient contribuer considérablement au développement durable, mais elles se concentrent jusqu’à présent surtout sur une meilleure utilisation des ressources et de l’énergie. Cela est d’autant plus important que de nombreuses applications de l’IA et le déploiement de modèles qui en découlent ne sont pas du tout durables, car ils consomment beaucoup d’énergie et utilisent des services gourmands en ressources. Dans ce contexte, je prie le Conseil fédéral de répondre aux questions suivantes :

  1. Comment évalue-t-il le potentiel des applications de l’IA pour la mise en œuvre de la Stratégie pour le développement durable 2030 ?
  2. Selon lui, quels sont les risques que comporte le recours à l’IA pour la mise en œuvre de cette stratégie ?
  3. Quelles dispositions légales ou incitations supplémentaires pourraient promouvoir les applications durables de l’IA, qui entraîneraient de manière avérée une réduction nette de la consommation des ressources naturelles ?
  4. Est-il envisageable que la Confédération favorise de telles applications avec un programme d’encouragement ?
  5. Le développement durable est-il suffisamment pris en compte dans le domaine de la recherche fondamentale et de la promotion de l’innovation en matière d’IA ? Les applications de l’IA sont-elles évaluées sous l’angle du développement durable ? Si non, que pourrait-on faire pour améliorer cette situation ?
  6. Serait-il envisageable d’aborder la thématique de l’IA et du développement durable dans un programme national de recherche (PNR), d’autant plus que la question du développement durable ne fait pas partie intégrante du PNR « Transformation numérique » ?
  7. Comment la consommation d’énergie et de ressources, parfois conséquente, liée aux technologies utilisant l’IA et à leur déploiement peut-elle être compensée, surveillée et réduite de manière pertinente ?

Avis du Conseil Fédéral du 21.08.2024

Le Conseil fédéral est conscient du fait que les applications d’IA entraînent une importante consommation des ressources. Parallèlement, dans le cadre des technologies émergentes, l’IA est un levier pour l’amélioration de l’efficacité, qui a un impact positif sur la durabilité et offre un grand potentiel d’économies en termes de consommation d’énergie et de ressources. Cette ambivalence doit être prise en compte dans tous les aspects de la durabilité.

 

Question1: L’IA a le potentiel de favoriser le développement durable dans tous les thèmes préférentiels de la Stratégie pour le développement durable 2030 (SDD 2030). Dans les thèmes « Consommation et production durables » et « Climat, énergie et biodiversité », des possibilités s’ouvrent concernant l’amélioration des bases de données, l’augmentation de l’efficacité, la prévision des besoins, la réduction des déchets, l’amélioration de la circularité des produits ou la surveillance des écosystèmes. Dans les secteurs de la mobilité et de l’énergie, le développement de centrales de gestion intelligentes ou d’applications axées sur le comportement des utilisateurs pourrait optimiser la consommation des ressources et réduire l’impact sur le climat.

 

Question 2: Les applications d’IA soulèvent des défis dans le thème préférentiel « Egalité des chances et cohésion sociale » de la SDD 2030. Ceux-ci concernent entre autres le possible renforcement des inégalités existantes, la prise en compte insuffisante des droits humains lors du développement et de l’utilisation des applications d’IA ainsi que les processus décisionnels obscurs. La percée croissante de l’IA dans le monde professionnel pourrait également modifier les activités de nombreux salariés, comme l’a fait l’évolution technologique actuelle. La capacité d’adaptation du personnel demeurera un facteur de réussite central.

 

Question 3: Différentes possibilités existent pour inciter à la durabilité dans le domaine de l’IA. Les efforts liés à l’acquisition et au traitement des données nécessaires pour l’alimentation de modèles d’IA et coûteux en ressources pourraient par exemple être minimisés. A cet égard, les initiatives lancées actuellement au niveau fédéral visant à créer des espaces de données (par exemple dans les secteurs de la mobilité et de l’énergie) pourraient constituer une base. En ce qui concerne les données et les infrastructures de données liées aux ressources énergétiques, l’Office fédéral de l’énergie a déjà examiné différentes mesures d’efficacité (p. ex. label d’efficacité volontaire) dans son étude d’avril 2021 sur la consommation d’électricité et le potentiel d’efficacité énergétique des centres de calcul. Actuellement, les effets de l’IA sur la consommation énergétique ne sont pas encore visibles et ne permettent pas de définir des mesures.

 

Question 4: Les instruments de soutien du Fonds national suisse (FNS) et d’Innosuisse ainsi que la recherche sectorielle de l’Administration fédérale peuvent en principe être utilisés pour aborder ces thèmes. Les organismes de soutien peuvent également lancer des appels à projets sur des thèmes spécifiques. Celui de l’appel à projets 2024 lancé par l’initiative Flagship d’Innosuisse se nomme « L’intelligence artificielle dans les sciences de la vie, sous l’angle de la santé humaine ». Dans le cadre du soutien de projets à thème ouvert, il revient aux acteurs de proposer des sujets ou des projets.

 

Question 5: La recherche et l’innovation abordent déjà les questions relatives à la consommation durable d’énergie des applications d’IA. L’ETH AI Center de l’EPF de Zurich en a fait par exemple une de ses priorités. La durabilité est également thématisée dans la Swiss AI Initiative, initiée par l’EPFZ et l’EPFL. Les institutions de recherche d’importance nationale, comme le Centre Suisse d’Electronique et de Microtechnique (CSEM) traitent des aspects de la durabilité de l’IA, notamment dans le projet BRIDGE sur la consommation d’énergie de l’IA dans le contexte de l’internet des objets (IoT). Dans le cadre d’un projet de recherche, le Cyber-Defence Campus d’armasuisse et l’Université de Zurich ont développé une plateforme d’évaluation pour les modèles d’IA, qui propose des critères d’évaluation en matière de durabilité.

Concernant le soutien à l’innovation, Innosuisse est tenue, selon son mandat légal, de soutenir des projets innovants dans toutes les disciplines enseignées dans les hautes écoles. L’ordonnance sur les contributions d’Innosuisse décrit explicitement la contribution au développement durable comme un des critères d’évaluation pour l’octroi de subventions de projets. Elle englobe les dimensions économique, écologique et sociale de la durabilité, telles qu’elles sont exprimées dans les objectifs de l’Agenda 2030. Des projets de soutien dans le domaine de l’IA doivent satisfaire à ces exigences.

 

Question 6: En ce qui concerne le lancement d’un Programme national de recherche (PNR), le Conseil fédéral renvoie à la procédure de sélection établie. Pour chaque tour de sélection d’un PNR, les milieux intéressés sont invités à soumettre des thèmes qui peuvent ensuite être priorisés dans une évaluation générale. Après examen des propositions reçues, le SEFRI émet des propositions de programme qu’il soumet au FNS pour une étude de faisabilité. Le Conseil fédéral décide du lancement d’un nouveau PNR après avoir consulté les offices de recherche sectorielle.

 

Question 7: Actuellement, il n’existe aucun aperçu complet sur l’utilisation des applications d’IA en Suisse. Dans le secteur de l’énergie, des travaux sont menés actuellement dans le cadre d’une réponse au postulat 23.3957 CEATE-CN (« Intelligence artificielle et sécurité de l’approvisionnement. Analyse des bases juridiques dans le domaine de l’énergie »), qui fourniront des informations sur les applications d’IA et leur diffusion dans le secteur énergétique suisse. Des mesures pourront être envisagées uniquement lorsque cette analyse sera disponible.